Test du polygraphe : tout savoir sur le déroulement d’une séance
- Caroline Hébert

- 31 mai
- 11 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 sept.

Le polygraphe, souvent surnommé à tort «détecteur de mensonges», fascine autant qu’il intrigue.
On l’imagine volontiers comme un outil mystérieux, réservé aux séries policières et aux agents spéciaux du FBI. Pourtant, dans la réalité, le test de polygraphe est un processus rigoureux, encadré et bien plus humain qu’on ne pourrait le croire.
Dans cet article, je vous invite à plonger dans les coulisses d’une séance de polygraphe, étape par étape, afin de comprendre comment les choses s’y déroulent concrètement.
Qu’est-ce qu’un polygraphe ?
Avant d’entrer dans le vif du sujet, clarifions ce qu’est un polygraphe.
Il s’agit d’un appareil sophistiqué qui mesure et enregistre plusieurs réactions physiologiques du corps humain : les mouvements de la cage thoracique, la transpiration, la fréquence cardiaque, la pression artérielle et l’influx sanguin.
Le concept fondamental de base est le suivant : le corps ne ment pas. Lorsqu’on ment, le corps ressent un stress et perçoit une menace, ce qui déclenche des réactions physiologiques automatiques et involontaires.
Imaginez que vous trouviez un serpent dans votre salle de bain. Ou que quelqu’un freine brusquement devant vous sur la route. Ou qu’un inconnu s’introduise dans votre domicile. Votre corps réagira instantanément, que vous le vouliez ou non : votre cœur s’accélèrera, vos mains deviendront moites, le sang circulant dans vos veines se centralisera au niveau de vos organes vitaux… C’est ce qu’on appelle la réaction de combat ou de fuite, le « fight or flight ». Lorsque quelqu’un ment, le cerveau perçoit le même genre de menace : celle d’être démasqué.
Évidemment, la réaction biologique provoquée par le fait de dire un mensonge est bien moins intense que celle engendrée par le fait de tomber nez à nez avec un ours en forêt. Mais le principe et le résultat biologique restent les mêmes et les instruments de polygraphie sont à même de détecter ces réactions, qu’elles soient intenses ou infiniment subtiles.
Le polygraphe ne détecte donc pas le mensonge, mais plutôt les réactions physiologiques associées au fait de duper son interlocuteur et par le fait même, au risque d’être démasqué.
Oubliez les images d’aiguilles qui grattent un long ruban de papier, façon vieux films d’espionnage. De nos jours, tout est numérique. Les capteurs sont discrets et non invasifs, les données sont analysées sur ordinateur, et le professionnel qui administre le test - le polygraphiste - est formé pour interpréter les résultats avec rigueur et précision.
La préparation du test par le polygraphiste
Un test de polygraphe ne se résume pas à brancher quelqu’un à un appareil et à poser des questions. Un travail important d’analyse et de préparation est nécessaire en amont de la rencontre.
La première étape est une discussion approfondie avec le client, qu’il s’agisse de la personne à tester ou l’individu ou l’organisation qui commande le test. Le contexte varie : il peut s’agir d’un dépistage pour un emploi sensible, d’une affaire criminelle, d’un litige civil ou familial, d’un cas d’infidélité ou d’un dossier à caractère sexuel.
Définir l’objectif du test
Le polygraphiste doit comprendre ce que le client cherche à vérifier ou à corroborer.
Dans un contexte de ressources humaines, on voudra peut-être s’assurer qu’un candidat n’a pas falsifié son CV, vérifier qu’il n’a jamais commis de fraude ou de gestes à caractère sexuel déplacés par exemple.
Dans un cas d’infidélité, les questions seront plus directes et tournées vers un événement précis ou une allégation d’adultère générale.
En matière criminelle, il s’agira de vérifier l’implication du sujet dans un crime donné, de valider ou d’infirmer un alibi ou de confirmer un témoignage.
L’élaboration des questions
Il s’agit de l’étape la plus délicate. Les questions doivent être claires et précises, porter sur des comportements concrets et ne laisser aucune place à interprétation.
Prenons l’exemple d’une accusation de braquage de banque. Une des questions pourrait être « Avez-vous pris l’argent de la banque ABC ? » Mais… et si la personne soumise au test n’avait pas physiquement pris l’argent des mains de la caissière, mais avait plutôt fait le guet à l’entrée ? Ou qu’il avait eu pour rôle de conduire le véhicule pour prendre la fuite après le braquage ? En répondant « non » à la question « Avez-vous pris l’argent de la banque ABC ? », le suspect pourrait réussir le test, même s’il a pourtant activement pris part au vol de la banque. En effet, il aurait répondu la vérité à la question posée.
C’est pourquoi les questions posées doivent être claires et précises. Une question plus adaptée dans ce contexte serait plutôt « Êtes-vous impliqué de quelque manière que ce soit dans vol de la banque ABC survenu le 12 janvier 2023 ? »
Prenons un autre exemple, un plus complexe cette fois. Imaginez que la personne testée soit un homme suspecté du meurtre d’une jeune femme du nom de Marie Tremblay. La question à poser semble très simple et évidente à première vue, soit « Avez-vous tué Marie Tremblay ? ».
Cependant, imaginez que les événements réels s’étant effectivement déroulés soient les suivants : l’homme a drogué madame Tremblay dans le but de l’agresser sexuellement. Il a quitté les lieux, alors que la dame était toujours vivante, mais inconsciente. Au bout d’une heure, la jeune femme est décédée d’une surdose.
En répondant « non » à la question posée, le suspect pourrait réussir le test et s’en sortir, car pour lui, il n’a pas tué la victime. Il ne l’a « que » droguée et agressée. Le résultat du test pourrait donc être ce qu’on appelle un « faux négatif ». Une question plus adéquate serait, dans cette situation, « Avez-vous causé le décès de Marie Tremblay ? ».
Question d’ajouter un peu de complexité, disons qu’un individu est suspect dans la disparition de sa conjointe, que l’on a retrouvée décédée deux semaines plus tard, au fond d’une rivière, à bord de sa voiture. Si l’on posait la même question qu’à l’exemple précédent, soit « Avez-vous causé le décès de votre conjointe ? » la situation suivante pourrait survenir…
Si le couple s’était disputé le soir de la disparition, que la jeune femme avait pris la route, en colère, pour quitter la maison et qu’elle avait eu un accident causant sa mort, le suspect pourrait échouer le polygraphe, même s’il n’a rien à voir avec le décès de sa conjointe, simplement parce qu’il éprouve un sentiment de culpabilité de s’être disputé avec elle et de l’avoir laissé partir en colère ce soir-là. Il est possible que dans son esprit à lui, il ait bel et bien « causé » la mort de sa conjointe et que s’il avait agit autrement, elle ne serait pas décédée. Le résultat du test pourrait alors être ce qu’on appelle un « faux positif ».
Or, ce n’est pas la malheureuse séquence des événements ou la perception de culpabilité du sujet que nous voulons évaluer en polygraphie, mais bien les gestes concrets posés. Dans ce cas, la question appropriée serait « Avez-vous physiquement causé le décès de votre conjointe ? ».
Comme vous êtes maintenant à même de le constater, la formulation des questions d’un polygraphe est une étape cruciale, car toute ambiguïté peut fausser substantiellement les résultats. Le polygraphiste peut parfois prendre près d’une heure à élaborer les trois ou quatre bonnes questions d’un test, même si ces dernières peuvent sembler toutes simples et évidentes pour le néophyte.
Souvent, les clients arrivent au bureau du polygraphiste avec en main une liste de questions qu’ils veulent voir posées au candidat, dans l’espoir que celles-ci soient celles posées lors du test. Vous comprenez maintenant que cette façon de procéder ne peut être envisagée. Le polygraphiste est formé afin d’élaborer les questions les plus pertinentes et appropriées afin d’obtenir des réponses fiables et concrètes aux questions que le client veut réellement creuser.
Le polygraphiste s’informera donc au maximum sur la personne et la situation à évaluer en discutant avec son client et en parcourant les documents et preuves disponibles. Il s’agit d’un travail qui amalgame enquête, écoute et analyse.
Déroulement du test de polygraphe
Un rendez-vous de test polygraphique dure généralement entre deux et quatre heures et se divise en plusieurs étapes essentielles : l’entrevue pré-test, le test comme tel, l’analyse des résultats et l’entrevue post-test.
1. L’entrevue pré-test
Le rendez-vous commence par l’évaluation des aptitudes physiques et mentales du candidat à se soumettre au test ce jour-là. Certaines affections pourraient engendrer un report du rendez-vous. On évalue tout ce qui pourrait empêcher le candidat de rester immobile durant le test (comme des douleurs importantes), empêcher les capteurs de bien accomplir leur travail (comme de la toux ou des éternuements fréquents) ou nuire au bon raisonnement du candidat (comme un état d’intoxication à l’alcool ou aux drogues).
À noter que le niveau de stress du candidat n’est pas un obstacle à la passation d’un polygraphe et n’influence en rien les chances de réussite ou d’échec. Tout le monde est nerveux avant un test polygraphique. Le polygraphiste est tout à fait en mesure de différencier la nervosité générale d’un candidat et ses réactions physiologiques liés au mensonge. Cela fait partie intégrante de son travail quotidien.
Ensuite, les documents d’usage sont remplis, tels qu’un formulaire de consentement. Le test polygraphique est toujours passé de manière libre et volontaire. En Amérique du Nord, personne ne peut être forcé de se soumettre à un polygraphe et la personne testée peut quitter le bureau du polygraphiste quand bon lui semble.
Ensuite, l’entrevue comme telle commence, et ce, bien avant d’être installé sur la chaise de polygraphie. L’entrevue pré-test est une étape souvent négligée dans l’imaginaire collectif, mais s’avère absolument centrale et capitale dans la réalité. C’est en fait l’étape la plus longue du rendez-vous.
Le polygraphiste accueille la personne testée et lui explique le déroulement complet du test. Le tout se déroule dans un climat de confiance et de respect, sans jugement ni accusation. Le but est de trouver la vérité, quelle qu’elle soit, et non de piéger ou de condamner la personne testée. On rassure le candidat : il s’agit d’un espace sécuritaire, où la vulnérabilité est acceptée et où il n’y aura aucune surprise ou tactique de manipulation.

Le polygraphiste montre les capteurs au candidat, lui explique ce qu’ils mesurent, et répond à toutes ses questions.
Le candidat et le polygraphiste discutent ensuite de la situation évaluée, des circonstances qui ont mené la personne à devoir se soumettre à un polygraphe et des différentes versions de l’événement.
Ensuite, les questions du test sont présentées au candidat. Tel que mentionné précédemment, il n’y a aucune surprise lors d’un test polygraphique. La personne est informée de toutes les questions qui seront posées, avant même la passation du test. On pratique même les questions à l’oral, sans connecter les instruments, pour s’assurer que tout est bien compris et que la personne se sent à l’aise.
C’est aussi le moment de clarifier tout ce qui pourrait prêter à confusion. Le polygraphiste prend des notes, observe les réactions, écoute les réponses du sujet et ajuste son approche. Il reste neutre, sans chercher à influencer ou à juger.
Le polygraphiste n’a pas pour rôle d’accuser ou de suspecter. Son objectif est d’obtenir des réponses, et non de valider une hypothèse préconçue. La crédibilité de la personne n’est jamais remise en question à ce stade. Si un doute subsiste, il sera abordé plus tard, lors de l’entrevue post-test.
2. Le test polygraphique en soi
C’est le cœur de la séance, mais cette étape ne dure en général qu’une vingtaine de minutes. La personne est installée confortablement, les capteurs sont placés sur le bras, la poitrine et les doigts, et le test commence.

Avant de poser les vraies questions, on réalise d’abord un test de pratique, soit une série de questions simples, dont les réponses sont connues du candidat et du polygraphiste, pour vérifier que l’équipement fonctionne bien et pour établir le niveau de base des réactions physiologiques de la personne.
Cette étape permet également au candidat de vivre ce qu’est un test polygraphique, de s’adapter au processus et de se sentir à l’aise et confortable avant le test réel.
Les questions du test, tant pour le test pratique que pour le test réel, sont posées de façon standardisée et on y répond uniquement par oui ou par non. Chaque question est posée plusieurs fois, dans des séquences différentes et dans un ordre aléatoire, pour observer les réactions sur la durée et non se fier à une seule réaction isolée.
La personne doit rester immobile durant le test, car tout mouvement parasite (bouger, tousser, se gratter) peut fausser les mesures. Le polygraphiste reste à l’affût et note tout élément susceptible d’influencer les résultats.
3. L’interprétation des résultats
Une fois le test terminé, le polygraphiste analyse les données recueillies. C’est une étape à la fois technique et analytique.
Il examine l’ensemble des réactions physiologiques pour chaque question, à la recherche d’anomalies ou de tentatives délibérées de fausser le test. Les « contaminants » (bruits, toux, mouvements involontaires ou tentative de tromperie) sont identifiés et écartés pour ne garder que les réactions pertinentes.
Grâce à un logiciel spécialisé, le polygraphiste obtient un score global qui lui permet de classer le résultat dans l’une de ces catégories : réussite (pas de signe de mensonge), échec (réactions compatibles avec un mensonge) ou non concluant (données insuffisantes ou ambiguës).
4. L’entrevue post-test
La dernière étape est celle de l’entrevue post-test, qui peut prendre des formes très différentes selon le résultat obtenu lors du polygraphe.
En général, le polygraphiste communique d’emblée les résultats à la personne testée. Si le test est réussi, tout va bien, l’entretien se termine sur une note positive et le candidat quitte le bureau l’esprit tranquille.
Si le test indique un échec, la démarche est différente. Le polygraphiste cherche à comprendre les raisons du résultat. Il tente d’obtenir une confession et de comprendre la vérité, mais sans pression ni accusation. Le ton reste empathique et ouvert. Même si la personne n’avoue rien verbalement, son corps a livré des indices. Le polygraphiste propose alors un accompagnement, une démarche de gestion des dommages et conséquences pour comprendre et réparer, si possible, les conséquences du mensonge.
Dans le cas d’un test non concluant, une discussion aura lieu sur les résultats obtenus et selon la raison des anomalies détectées ou de l’insuffisance de données probantes (pouvant être causées par des problématiques physiques, des difficultés à suivre les consignes durant le test, etc.) et le candidat pourrait être invité à recommencer une séquence de test immédiatement ou à revenir un autre jour pour reprendre le test dans de meilleures dispositions physiques et/ou mentales.
En sommes, le test du polygraphe est bien plus qu’un simple détecteur de mensonges. C’est un outil complexe, qui repose autant sur la technologie que sur l’humain. Il combine des techniques d’interrogatoire, de connaissances biologiques et psychologiques, d’analyse et d’entrevue stratégique.
Son efficacité dépend de la qualité de la préparation, de la neutralité du polygraphiste, de sa capacité à instaurer un climat de confiance et de son souci d’élaborer des questions claires et appropriées au contexte des événements à évaluer.
Vous avez rendez-vous pour un polygraphe prochainement ? Voici quelques conseils et recommandations pour bien vous y préparer dès la veille :
Avisez et discutez avec votre polygraphiste dès que possible de vos conditions médicales (problèmes respiratoires ou cardiaques, grossesse, douleurs chroniques, allergies/rhume/grippe, etc.), et ce, avant le rendez-vous, afin de vous assurer d’être apte à passer un polygraphe.
Prévoyez au moins 3 heures pour le rendez-vous et évitez les engagements par la suite qui pourraient vous créer le stress d’une contrainte de temps.
Ne consommez pas d’alcool, de drogue ou de boisson énergisante le jour du test.
Essayez de profiter d’une bonne nuit de sommeil la nuit précédent le test.
Ne changez rien à vos habitudes alimentaires ni à la prise de vos médicaments d’ordonnance.
Habillez-vous confortablement, de préférence avec un chandail à manches courtes pour pouvoir bien installer le brassard de pression artérielle, et une veste afin d’être confortable lors des entrevues pré et post-test. Évitez les robes et les jupes courtes, car vous ne pourrez pas croiser les jambes lors du test.
Portez des chaussettes dans vos souliers (ou apportez-en une paire si vous êtes en sandales), car il vous sera probablement demandé de retirer vos chaussures le temps du test.
Apportez une pièce d’identité avec photo au rendez-vous.
Némésis offre des services de profilage criminel, de tests polygraphiques, d'enquête et d'analyse d'investigation aux corps policiers québécois, aux juristes ainsi qu'à toute entité ou citoyen nécessitant une expertise pointue en terme d'investigation privée.