Profession : profileur criminel
- Némésis

- 22 avr.
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 sept.
Grâce à des films comme Le silence des agneaux et des séries télévisées telles que Mindhunter, le métier de profileur criminel fascine autant qu’il intrigue. Mais derrière le mythe du détective doté de pouvoirs quasi surnaturels, se cache une profession complexe exigeant une expertise en psychologie, en criminologie et en analyse comportementale.
Dans cet article, je vous invite à découvrir l’envers du décor afin de comprendre qui sont vraiment les profileurs criminels et comment leur travail peut contribuer à la résolution d’enquêtes complexes.
Les sciences du comportement comme outil d’enquête
Il convient tout d’abord de souligner que le profilage criminel n’est pas une science exacte. En effet, lorsqu’il est question du comportement humain, il n’existe ni certitude absolue, ni vérité universelle. La psychologie individuelle et les comportements qui en découlent présentent une multitude de variations, rendant impossible l’établissement de conclusions définitives. C’est pourquoi, en tant que profileurs, nous nous abstenons de poser tout diagnostic psychologique fondé uniquement sur nos observations.
Le profilage doit plutôt être envisagé comme un outil spécialisé mis à la disposition des enquêteurs afin de faire progresser leurs investigations. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une science exacte, il est important de rappeler que la plupart des techniques d’enquête – telles que l’analyse des traces de sang, la graphologie, la balistique ou encore l’odontologie judiciaire – ne le sont pas non plus. Chacune de ces disciplines, sans être 100 % infaillible, permet de restreindre le champ des recherches, d’orienter les hypothèses et d’écarter ou de corroborer certaines pistes lors d’investigations.
Profilage criminel : une mission en deux volets
L’enquête criminelle repose sur une collaboration étroite de plusieurs acteurs, où chaque expert met à profit sa spécialisation pour faire progresser la recherche de la vérité.
Le travail du profileur débute par une analyse de l’investigation criminelle dans sa globalité. Cette première étape consiste à examiner l’ensemble du processus effectué, puis à en dégager, dans un second temps, une interprétation comportementale à partir de tous les faits, circonstances, actions et preuves recueillies, couvrant les périodes précédant, pendant et suivant la commission de l’acte criminel.
Une analyse criminelle rigoureuse s’appuie non seulement sur l’expertise du profileur, mais aussi sur les compétences, l’expérience et les observations de tous les intervenants ayant travaillé sur le dossier avant son arrivée. Chaque spécialiste a examiné les éléments du crime selon son domaine d’expertise, et le profileur, en prenant le relais, adopte une vision globale et apporte un éclairage différent sur chaque étape de l’enquête.
Nous abordons tout d’abord l’enquête sous divers angles : la criminalistique et ses enseignements, l’examen scientifique des preuves, les constats établis par les détectives à partir de la scène de crime et des entretiens menés, la victimologie et la géographie des événements.
À partir de là, nous procédons à la deuxième étape, soit l’analyse comportementale, en nous concentrant sur l’interaction du suspect avec la victime ou la scène de crime, avant, pendant et après l’infraction.
Contrairement à l’enquêteur, qui doit superviser l’ensemble des aspects de l’enquête – qu’il s’agisse de preuves médico-légales et physiques, de considérations juridiques, de la scène de crime ou des interrogatoires – le profileur bénéficie d’une certaine latitude. Il peut se consacrer pleinement à l’analyse globale, sans être soumis aux multiples responsabilités et pressions qui pèsent sur les enquêteurs, notamment celles émanant du public ou des médias.
Ce privilège nous permet, en tant qu’analystes comportementaux, de mettre de côté certains aspects de l’enquête pour nous concentrer exclusivement sur l’interprétation des comportements observés. Nous pouvons ainsi approfondir chaque élément de l’affaire sous l’angle de ce qu’il révèle sur la dynamique comportementale et, ultimement, sur la personnalité potentielle du délinquant.
Une perspective différente qui trace une voie vers le bon suspect
Les traits et caractéristiques d’un individu se manifestent généralement à travers ses schémas comportementaux. Qu’il s’agisse de la vie quotidienne ou de la commission d’un crime, ces schémas tendent à demeurer relativement constants tout au long de la vie. Ainsi, la manière dont une personne agit, interagit avec autrui ou gère ses activités personnelles se reflétera souvent dans ses comportements, y compris lors d’actes criminels.
Prenons l’exemple d’une personne particulièrement méticuleuse : elle prend des notes sans arrêt, dresse des listes pour tout, son espace de travail est organisé et son agenda bien structuré. Nous connaissons tous quelqu’un qui incarne ce profil : une personne méthodique, rarement prise en défaut quant à ses rendez-vous ou obligations, et faisant preuve d’une rigueur exemplaire dans son travail. Ce type de comportement, véritable modus operandi, se répète jour après jour dans son quotidien.
Le profileur sait que ces traits constants de personnalité sont susceptibles de se retrouver dans la façon dont l’individu planifiera et exécutera un crime. Il serait peu probable qu’une telle personne s’engage dans une activité criminelle sans préparation, en abandonnant soudainement ses habitudes d’organisation. Au contraire, on s’attendrait à ce que le crime soit minutieusement planifié, avec une attention particulière portée aux détails et à la préparation des outils nécessaires. Les objets utilisés lors du crime auront probablement été sélectionnés à l’avance, dans le but de maximiser l’efficacité de l’acte selon la vision de son auteur.
Ainsi, il serait surprenant de voir une personne aussi organisée improviser sur la scène du crime ou utiliser des objets trouvés sur place, dits « d’opportunité ». Un tel individu aura, au contraire, anticipé ses besoins et apporté tout le matériel requis pour mener à bien son projet.
En matière de profilage, le meilleur indicateur du comportement futur d’un individu demeure son comportement passé. Le travail du profileur consiste toutefois à raisonner « à rebours » à partir des comportements observés sur la scène de crime. Il s’agit de déduire les habitudes et traits de personnalité du suspect afin de le retracer.
Lorsqu’une personne présente un historique de comportements violents, cela constitue un indice fort que ces actes se sont déjà produits, à divers degrés, et pourraient se reproduire dans l’avenir.
Il convient toutefois de nuancer cette règle, car deux facteurs peuvent en altérer la validité : l’intoxication et la maladie mentale. Une personne habituellement organisée peut, sous l’effet d’une intoxication sévère ou lors d’un épisode psychotique, adopter un comportement désorganisé et incohérent. Néanmoins, le profileur expérimenté est généralement en mesure de détecter, à travers des schémas comportementaux spécifiques relevés sur la scène de crime, si l’auteur était sous l’influence de substances ou en proie à une crise psychotique au moment des faits.
Les avantages de faire appel à un profileur criminel dans les cas de crimes non résolus
L’un des principaux atouts qu’un profileur peut offrir aux enquêteurs réside dans sa capacité à leur fournir une compréhension approfondie du crime commis.
Généralement, l’intervention du profileur se fait à un stade où l’auteur de l’infraction n’a pas encore été identifié. Son analyse ne vise pas nécessairement à désigner un suspect précis, mais permet surtout d’écarter certains individus de la liste des suspects et de confirmer le potentiel d’autres candidats.
Il arrive également que l’on fasse appel à un profileur alors qu’un suspect a déjà été identifié. Dans ce cas, son expertise aide les enquêteurs à mieux cerner le mobile du crime, les circonstances entourant l’acte et la motivation du suspect, ce qui oriente l’interrogatoire et la recherche de preuves de manière plus efficace.
Il existe une idée reçue selon laquelle les profileurs disposeraient d’une expertise supérieure à celle des enquêteurs dans tous les domaines de l’investigation. Cette perception est erronée. Les enquêteurs spécialisés – qu’il s’agisse d’homicides, d’incendies criminels, de fraude ou de crimes sexuels – possèdent une solide expérience et font preuve d’une grande compétence dans la résolution de ces affaires. Leur parcours professionnel témoigne d’un savoir-faire éprouvé et d’une connaissance approfondie des crimes motivés par des raisons rationnelles, telles que l’appât du gain, la vengeance ou la recherche d’un avantage personnel. Même si la nature du crime reste en dehors des normes morales et sociales, il demeure souvent compréhensible dans sa logique.
L’intervention du profileur prend tout son sens lorsque les comportements observés sur la scène de crime échappent à cette logique rationnelle. Lorsque certains aspects du crime ou du comportement du suspect semblent dénués de sens ou ne contribuent en rien à la réalisation de l’infraction, les enquêteurs peuvent se retrouver démunis face à ces éléments inhabituels.
C’est précisément dans ces situations, où le crime présente des caractéristiques aberrantes ou individualistes, que l’expertise du profileur s’avère précieuse. En se concentrant sur ces comportements atypiques, le profileur peut offrir un éclairage unique sur la personnalité et les motivations profondes de l’auteur, mettant en lumière des aspects qui ne concernent peut-être que cet individu en particulier. Ces éléments peuvent être le reflet d’un besoin personnel ou d’une impulsion propre au suspect, sans lien direct avec la réussite matérielle du crime.
En somme, le recours à un profileur permet d’apporter une perspective nouvelle et individualisée dans des affaires où les méthodes d’enquête traditionnelles atteignent leurs limites, enrichissant ainsi la compréhension globale du dossier et ouvrant de nouvelles pistes pour l’investigation.
Concrètement, quels sont les éléments identifiés par un profileur ?
Lors d’une analyse d’investigation, le profileur est en mesure de mettre en lumière plusieurs aspects clés qui orientent l’enquête. Parmi les éléments susceptibles d’être dégagés, on retrouve notamment :
Le nombre d’auteurs impliqués : détermination de la présence d’un ou de plusieurs individus lors de la commission du crime.
Le mobile du crime : par exemple, s’agit-il d’un crime à motivation sexuelle ? Il est important de noter que tous les crimes à motivation sexuelle ne présentent pas nécessairement des indices explicitement sexuels.
Les liens entre différentes affaires : identification de similitudes entre plusieurs dossiers pouvant indiquer l’implication d’un même auteur, même si ce lien n’avait pas été détecté auparavant.
L’analyse des déclencheurs potentiels : étude des comportements observés sur la scène de crime et de la victimologie pour comprendre les facteurs ayant pu précipiter le passage à l’acte.
L’établissement d’un profil du criminel : élaboration d’un portrait détaillé du suspect à rechercher comprenant le genre, l’origine, le niveau d’éducation, le statut conjugal, l’état de santé mentale, la condition physique, le lieu de résidence ou d’emploi, l’estime personnelle, les antécédents criminels, le mode de déplacement, les déviances, la situation économique, les habitudes de consommation, d’éventuels handicaps, etc.
L’évaluation du niveau de menace et de dangerosité : estimation du risque de récidive, avec parfois la capacité de prédire où et de quelle manière une nouvelle infraction pourrait survenir.
La proposition de stratégies d’entrevue et d’interrogatoire : recommandations d’approches adaptées à la personnalité présumée du suspect, en ciblant les éléments susceptibles de favoriser sa collaboration et en démystifiant les facteurs l’ayant conduit à ce point de rupture.
La gestion de l’arrestation de plusieurs suspects : identification de l’individu le plus susceptible de coopérer avec les enquêteurs, afin d’optimiser l’efficacité de l’enquête.
En somme, le travail du profileur permet d’apporter un éclairage précieux et ciblé, facilitant la progression et la résolution de l’enquête.
Le processus de l’établissement d’une analyse et profil
Bien que chaque profileur puisse avoir ses propres méthodes, l’approche générale suit un processus structuré en plusieurs étapes clés.
La première phase consiste en l’analyse physique de la scène de crime. Celle-ci inclut l’examen de la disposition du corps, des blessures infligées, de la géographie et l’environnement immédiat, ainsi que l’étude des photographies de la scène, des rapports et photos d’autopsie, des résultats de laboratoire et de l’ensemble des preuves matérielles recueillies (objets retrouvés, arme du crime, empreintes digitales, traces de pas ou de pneus, etc.).
Vient ensuite l’élaboration du profil de la victime, ou victimologie. L’attention ne se porte pas uniquement sur le suspect, mais également, et de façon approfondie, sur la victime, qui peut fournir de précieuses informations sur l’auteur du crime et ses motivations. Apprendre à connaître la victime, c’est aussi mieux cerner le criminel. On s’interroge notamment sur le niveau de risque de la victime, ses habitudes de vie, ses routines, sa spontanéité, ses réactions typiques face au stress, sa vulnérabilité ou sa combativité, son cercle social, son mode de vie, ainsi que sur d’éventuels traits ou caractéristiques qui auraient pu en faire une cible privilégiée pour l’agresseur.
L’ensemble de ces éléments permet d’évaluer si la victime fut spécifiquement ciblée ou s’il s’agit d’une victime d’opportunité. Cela aide également à comprendre pourquoi elle a été choisie, comment elle a pu réagir lors de l’agression, et par le fait même, expliquer certains comportements ou gestes posés par l’auteur au moment des faits.
La troisième étape consiste à analyser les caractéristiques comportementales observées sur la scène, en s’appuyant sur les éléments techniques et la victimologie. On examine alors si la scène présente des signes d’organisation ou de désorganisation, le modus operandi (MO) du criminel, ainsi que la présence éventuelle de rituel, de signature ou de tentative de maquillage ou de mise en scène du crime.
Il est fréquent qu’un crime débute de manière organisée, puis dégénère en improvisation en fonction de la réaction de la victime. Certains criminels savent s’adapter à l’imprévu, tandis que d’autres sont rapidement déstabilisés. On observe ainsi parfois un mélange de comportements : une planification méticuleuse peut laisser place à une grande désorganisation lors de la fuite, par exemple. Ces observations, issues de l’analyse de la scène et de la victimologie, permettent de mieux comprendre la personnalité du suspect, notamment son degré d’organisation, et contribuent à brosser un portrait plus complet de l’auteur potentiel.
En conclusion…
Le profilage criminel s’impose aujourd’hui comme un outil précieux au sein des enquêtes complexes, particulièrement dans les affaires non résolues où les méthodes traditionnelles atteignent parfois leurs limites.
Fondé sur l’analyse rigoureuse des scènes de crime, la compréhension approfondie de la victimologie et l’interprétation des comportements, le travail du profileur permet non seulement de mieux cerner la dynamique des infractions, mais aussi d’orienter efficacement les investigations.
Le profilage repose sur la collaboration multidisciplinaire et l’intégration de données issues de différents domaines d’expertise. Son apport réside autant dans la capacité à exclure des pistes qu’à en confirmer d’autres, à anticiper les comportements futurs à partir de schémas passés, et à proposer des stratégies d’interrogatoire adaptées à la personnalité du suspect.
En mettant en lumière les motivations profondes, les modes opératoires et les particularités individuelles des auteurs, le profileur contribue à recentrer l’enquête sur l’essentiel et à offrir de nouvelles perspectives aux enquêteurs. Son regard unique, axé sur la compréhension du comportement humain, enrichit l’approche globale de la justice criminelle et favorise, ultimement, la recherche de la vérité.
Ainsi, le recours au profilage criminel ne remplace pas le travail d’enquête traditionnel, mais le complète en apportant une dimension humaine et comportementale essentielle à la résolution des crimes les plus énigmatiques.
Némésis offre des services de profilage criminel, de tests polygraphiques, d'enquête et d'analyse d'investigation aux corps policiers québécois, aux juristes ainsi qu'à toute entité ou citoyen nécessitant une expertise pointue en terme d'investigation privée.